8 janv. 2012

LA NUIT DES CHATS BOTTÉS - Beuzelin & Fajardie

Illustration : Jean-Claude Claeys
Certains bouquins remontent en surface comme une lame de fond qui pourrait bien se transformer en une vague monstrueuse déboulant à l'arrache, sauvage et majestueuse, sur les rivages d'abondance obscène où pensent pouvoir encore se prélasser quelques individus au mépris de la détresse humaine qui bordent leurs paradis fiscaux... La nuit des chats bottés est le deuxième roman noir de Frédéric H. Fajardie, publié en 1979 mais écrit, semble-t-il, en 1977 - année mémorable pour bon nombre de mélomanes avertis impatients d'en découdre avec leurs ainés qui se prélassaient dans les même rengaines. Fajardie a cassé sa pipe à 61 piges un 1er mai 2008, ultime pirouette facétieuse d'un auteur qui n'a jamais donné dans le compromis : "Pour Fajardie, le polar et le roman noir sont le meilleur moyen d'explorer l'envers de la société contemporaine. Dans son œuvre, où l'esprit chevaleresque de ses personnages s'oppose à la médiocrité contemporaine, son gauchisme politique de façade se conjugue avec des valeurs plutôt aristocratiques, telles : l'honneur, la fidélité et souvent la fraternisation par-delà les oppositions idéologiques ou historiques. Ses œuvres, dans leur versions publiées aux éditions NéO (reprises ensuite par La Table ronde), sont illustrées par des couvertures dessinées par Jean-Claude Claeys. Elles restituent à merveille la sombre atmosphère urbaine, la violence et la désillusion qui se mêlent dans l'œuvre de Fajardie." (Source)...

Illustrations : Boris Beuzelin
Le roman La nuit des chats bottés a donc 35 ans cette année mais question rides, seules les pages sont un peu froissées et le papier jauni... Dans son contenu, c'est plutôt le côté explosif dans le genre bombe à retardement qui retient toute l'attention et le récit se dévore avec jubilation. L'intrigue est intemporelle et on peut aisément faire le pont entre les années Thatcher - Reagan et la "deptocraty" qui en découle actuellement au profit des mêmes cadors de l'économie "ni-vu-ni-connu-j't'embrouille" et au détriment de la multitude qui va au trimard pour des clopinettes, quand ils n'y laissent pas leur peau... Alors quoi ? On laisse faire ou on corrige ? Comme le dit si bien Francis Blanche - Maître Folace, le notaire - dans Les Tontons Flingueurs : "Il y a deux solutions... Ou on s'dérange... Ou on méprise !... Oui, évidemment, n'importe comment, une tournée d'inspection ne peut jamais nuire, bien sûr." La tournée d'inspection des chats bottés ,en revanche, va s'avérer fortement nuisible. D'abord aux autorités policières et judiciaires et ensuite par son ascension jusqu'au point d'orgue final dans les plus hautes sphères gouvernementales... Son point de départ : une rencontre qui devient une histoire d'amour sur fond de revanche...

La nuit des chats bottés est adaptée en BD en 2006, grâce au talent de Boris Beuzelin qui restitue en images l'atmosphère du roman. Elliptique, il capte avec ses planches les moments de relative quiétude tout comme les montées d'adrénaline. Beuzelin a le sens et le goût du détail, on est dans Paname, aucun doute là-dessus. Les immeubles, les coins de rue, les arbres et même l'étroitesse des appart's, tout y est ! Le décor est planté, la mécanique se met en place et ça branle sévère dans le manche, les mauvais jours commencent pour tous ceux qui ont été les acteurs d'un drame humain comme il en existe tant.

“La vie est une opération de commando, c’est une razzia sur l’amour, l’amitié, la tendresse, la bagarre, le pouvoir… On ne vous donne rien et surtout pas le bonheur. Le bonheur ça se prend comme la liberté, non ?”
Parce qu'il vient de rencontrer Jeanne dont il est tombé amoureux, Stephan va offrir un nouvel élan à son existence pour redonner à leurs vies le goût qu'elles ont perdu. Épaulé loyalement par son ami Paul, Stephan se lance dans le projet fou d'effacer la tristesse des souvenirs de la jeune femme.
  « C'est là qu'il m'a dit que nous devions apprendre à vivre.
  - Apprendre à vivre ?
  - Oui, plus rien se refuser et surtout pas les trucs les plus dingues. »

Un P.M.U., un cabinet d'huissier, une banque, un parc, une maternité... À grand renfort d'explosifs, Stephan et Paul "nettoient" nuitamment toutes ces traces du passé liées à la souffrance de Jeanne. Le commissaire divisionnaire Nollet les suit à la trace et s'avoue impressionné, puis fasciné, par leurs remarquables compétences et leur extrême efficacité.
Mystérieux, insaisissables, les « chats bottés » - ainsi surnommés à cause de leurs tenues militaires et de leurs cagoules à la silhouette féline - poursuivent leur réjouissant feu d'artifice. Les usines Renault sautent, le Sacré-Cœur flambe. Nollet n'en revient pas, presque admiratif :
« Tu vois, je te l'avais dit depuis longtemps ! Deux mecs dingues, compétents, et tout se bloque ! Trente ans que je me demandais si je verrais ça un jour ! »
Tels un chevalier et son fidèle écuyer au service de leur princesse, Stephan et Paul vont, à leur manière, combattre l'hypocrisie, l'asservissement, la manipulation, la contrainte. Dans le chaos, ils vont offrir une revanche posthume à l'une des victimes de cette société anonyme et inhumaine, et montrer que « la vie est une opération de commando. C'est une razzia sur l'amour, l'amitié, la tendresse, la bagarre, le pouvoir... »
Sans doute ont-ils raison. (Jérome F. GOUDEAU)

La nuit des chats bottés - Beuzelin Fajardie

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